Toute l’histoire

Si VAUVILLERS m’était conté

“pour espérer, pour aller de l’avant, il faut savoir d’où l’on vient”.

En nous inspirant de cette citation de l’écrivain Fernand Braudel, nous avons pensé qu’il serait intéressant de vous conter comment Vauvillers s’est construit et quels ont été les grandes dates qui ont façonné son histoire. Il est possible que certains d’entre vous la connaisse dans le détail mais nous pensons que beaucoup auront plaisir à la découvrir. Pour réaliser cet historique, nous nous sommes inspirés largement du remarquable livre « Histoire de Vauvillers » que Mme SOLEIL a écrit et publié en 1980 mais également d’autres documents, dont les archives municipales.

Origine de Vauvillers

Il y a longtemps, fort longtemps, à Montdoré, village voisin, dans l’important château-fort, la châtelaine, Dame Rose, ne se plaisait pas et rêvait d’une maison moins austère que cette forteresse aux murailles élevées.

Elle obtint du seigneur, son époux, de faire construire une maison plus riante dans la vallée…. Les femmes des autres notables l’imitèrent, et ainsi, sur les terres de Montdoré, se forma un groupe d’habitations appelé Vaulx-Viller, ce qui en vieux français veut dire « maison des vallées ». (Par la suite Vaulx-Viller deviendra Vauvillers, en patois Vauvelas).

Bien qu’aucun document ne mentionne Dame Rose, elle n’est pas issue d’une légende. Les rares écrits qui nous sont parvenus prouvent que le même seigneur dirigeait les deux localités.

A part donc quelques rares écrits, on ne sait rien de Vauvillers dont l’histoire se confond avec celle de Montdoré, jusqu’au jour où, avant de mourir, Perrin, le seigneur, fils de Huart de Bauffremont, dit de Ruppes, partage ses biens entre ses quatre enfants. Bien qu’il n’y ait aucune date précise, nous nous situons au milieu du 14ème siècle.

De ce partage, l’aîné aura Montdoré et le suivant la seigneurie de Moncey. De Vauvillers il ferra deux parts. Les terres sur la rive droite du Conain (Coney), qui font partie de la Lorraine, sont attribuées à sa fille Nicole, mariée à Henri du Châtelet. Cette partie de seigneurie est essentiellement boisée de chênes centenaires.

Les terres du côté gauche du Conain, situées en Comté de Bourgogne, sont données à son fils cadet, Gauthier. Cette part de seigneurie comprend l’agglomération urbaine avec une petite chapelle dédiée à Sainte-Catherine. Cette chapelle reste indépendante de l’église mère de Montdoré.

Cette séparation, qui semble défavorable à l’unité de Vauvillers, servira au contraire à sa richesse, et les deux seigneurs qui se partagent ces terres, s’entendront toujours pour en assurer la prospérité.

Cliquez sur le lien ci-dessous pour visualiser le tableau chronologique des seigneurs de Vauvillers.  Tableau chronologique des seigneurs de Vauvillers

La construction de la place Forte

Comme le premier souci d’un seigneur est d’assurer la défense de son fief, Gauthier I de Bauffremont décide de construire une place-forte qui l’abritera, lui et sa famille, ses hommes d’armes et la population qui viendra y trouver refuge si besoin est.

De son côté, Henri du Châtelet doit faire bâtir une demeure pour les séjours qu’il fera dans sa portion de fief.

Les deux seigneurs s’entendent pour habiter tous les deux dans la place-forte, qui aura ainsi une garnison plus importante avec les hommes des deux seigneurs. L’emplacement choisi est celui où se trouve l’actuel château, en y ajoutant une trentaine de mètres de plus en longueur.

Les murs d’enceinte sont hauts et percés seulement de deux entrées où un homme armé veille du matin au soir. A la tombée de la nuit, on descend la herse. Deux des angles sont flanqués d’une grosse tour trapue, la demeure du seigneur. Celle à gauche du plan pour Gauthier I et celle à droite pour Henri du châtelet. Et sous chacune des tours, les prisons. Chaque seigneur gardant ses propres prisonniers.

Au rez de chaussée de chaque tour se trouve un grand escalier et une pièce, dite cabinet, où le seigneur reçoit ses sujets. A l’étage, les appartements privés comprennent 3 grandes pièces dont l’une de 8 mètres de long.

La famille DE BAUFFREMONT

A la mort de Gauthier I De Bauffremont, dont on ne connaît pas la date exacte du décès, son fils Gauthier II lui succède. Il continue l’œuvre de son père pour la défense de Vauvillers. Pour rendre plus imprenable la place-forte, il fait creuser des fossés des deux côtés donnant sur la campagne (côté école maternelle). La déclivité du terrain à cet endroit, en a facilité le travail. A l’intérieur de la place, il fait construire une maison pour les hommes de sa garnison. Au rez-de-chaussée, la salle des gardes, aujourd’hui à demi enterrée, est éclairée par deux fenêtres placées en haut des murs. Les voûtes de cette pièce sont soutenues par cinq piliers. Cette salle est un des vestiges les mieux conservés du passé de notre cité (Maison de Cédric Wattotienne).

On parle même d’un souterrain dont l’entrée serait près de l’ancienne tour du Châtelet. C’est possible car à l’époque, lorsqu’une place était encerclée, les assiégés cherchaient un moyen discret de sortir pour contourner l’ennemi ou pour s’évader. Ce souterrain pouvait aboutir à l’intérieur des premières défenses du château-fort de Montdoré.

Une première entente entre Gauthier 1er et Henri du Châtelet avait abouti à la cohabitation des deux seigneurs dans la même place-forte et avait donné à celle-ci plus d’importance. Une deuxième entente entre Gauthier II et le seigneur suivant du Châtelet pousse encore plus loin ce rapprochement.

Les familles demeurant dans la partie lorraine, peuvent si elle le veulent, quitter la forêt, où elles sont menacées par les loups et les pillards, pour habiter dans l’agglomération, c’est à dire dans la partie comtoise. Beaucoup profitent de cette possibilité, et sans fusionner complètement, se groupent à l’extrémité du bourg près du chemin menant aux forêts (Route de Pont du Bois). Un document de l’époque confirme ce rapprochement. Extrait : « Sentence accordant un délai de quinze jours aux habitants de Vauvillers pour nettoyer et rendre praticable une ruelle commune faisant la séparation des sujets appartenant aux deux seigneurs et servant de passage aux maîtres et gens du château pour se rendre à l’église paroissiale.

Cette ruelle, dont il est question, est l’actuelle rue du Château située dans le prolongement du Dôme, telle que nous la voyons ci-dessous.

D’autres échanges se feront encore, si bien qu’après deux générations, la frontière entre la Lorraine et la Comté de Bourgogne est devenue indéfinissable sur le territoire de Vauvillers.

En plus de la sécurité de Vauvillers, Gauthier II cherche sa prospérité et fait construire des halles qui favoriseront le commerce. Elles seront complétées par une grande fontaine, en contre-bas, où le bétail peut s’abreuver les jours de marché aux bestiaux.

Sans tarder s’instaure le jour de marché aux grains et denrées alimentaires, celui des tissus et vêtements et surtout celui pour la vente des bois. Les colporteurs qui sillonnent la région, s’arrêtent à Vauvillers ces jours-là, et à eux seuls attirent les chalands, car ils apportent les nouvelles du dehors.

On peut s’imaginer l’aspect de Vauvillers vers 1400. C’est une grande place-forte entourée de hauts murs, flanquée de deux massives tours d’angle. A peu de distance, une place avec la chapelle Sainte-Catherine et les halles. C’est l’endroit le plus vivant du fief. Les jours de foire, la place est encombrée de chariots, de gens en sabots, qui se saluent et s’interpellent.

Au décès de Gauthier II en 1429 son fils aîné Jean n’a que six ans. Pendant la minorité de ce nouveau seigneur, Vauvillers fut touché par la peste de 1438 qui emporta une bonne partie du menu peuple. Une fois en âge de diriger, Jean de Bauffremont déploie une grande activité militaire. Fin diplomate, le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, ne tarde pas à le prendre comme conseiller et chambellan, poste important et honorifique. De son mariage avec Claudine de Toulongeon, il n’eut qu’un fils, Pierre, deuxième du nom, qui prend sa relève.

Les activités de Pierre II de Bauffremont sont à l’opposé de celles de son père : Aucun rôle militaire ou diplomatique car ce seigneur de Vauvillers, qui a la chance de vivre pendant une période calme, peut consacrer son temps entre ses enfants et la bonne marche des nombreux domaines dont il va hériter. Il épouse Anne de Bauffremont, sa cousine, qui lui apporte les terres de Bourbonne, Mirebeau sur Bèze en Côte-d’Or et autres lieux. A la mort de son grand-père, Jean de Toulongeon, il hérite de la Baronnie de Sennecey. Pierre II de Bauffremont est alors un important seigneur terrien. Avec le seigneur de l’autre partie de Vauvillers, ils décident d’accorder à leurs sujets le droit de prendre tous les bois nécessaires pour leur chauffage, leur maison, leur chariot, etc….. moyennant une faible redevance. Les gens de Vauvillers useront largement de cette autorisation et seront plus à l’aise que ceux du voisinage. Cette générosité des seigneurs durera jusqu’à la Révolution. Avant de mourir, Pierre II partage ses biens entre ses enfants et sa fille Françoise, reçoit les fiefs de Vauvillers et de Bourbonne. En se mariant elle les apporte à son mari, Bertrand de Livron, qui prend la relève des seigneurs de Bauffremont à la tête de Vauvillers.

Avant de poursuivre cette histoire, il faut revenir en arrière pour savoir ce qui s’est passé pendant le même temps, sur les terres lorraines de l’autre côté de la rivière le Conain (Coney).

Souvenez-vous du début : le seigneur de Mondoré partage ses biens entre ses enfants ; l’un Gauthier, reçoit la moitié la plus importante de Vauvillers et, sa sœur qui a épousé Henri du Châtellet, l’autre moitié, constituée en grande partie de bois, et de ce fait moins peuplée. Les choses vont changer.

La famille DU CHATELET

Par son mariage avec Nicole de Bauffremont, Henry du Chatelet prend la possession de la partie lorraine de Vauvillers et y apporte un nom enviable. Comme nous l’avons vu, lors de la construction de la place-forte de Vauvillers, il fait bâtir la seconde grosse tour pour y habiter avec sa famille. A cette époque, Henry et ses enfants font figure de parents pauvres auprès des autres membres de leur famille et ce, jusqu’en 1325, date de la mort de son frère aîné qui disparaît sans descendance. Son frère cadet étant entré dans les ordres, à cette date, l’ensemble des biens des du Chatelet passe au fils aîné d’Henry, Erard qui prend le nom d’Erard II et qui deviendra seigneur de Vauvillers à la mort de son père en 1341.

La fortune sourit à Erard II. A sa naissance, il n’était que le futur maître d’Atigny et de la moitié de Vauvillers. Or, la mort de son oncle lui donne le titre de Maréchal du Dauphiné, la seigneurie du Châtelet, celles de Bulgnéville, de Monthureux, de Passavant et d’autres encore, de moindre importance.

Il ne séjourne que rarement à Vauvillers et on peut penser qu’il laisse diriger cette terre par ses parents Gauhier I de Bauffremont puis par Gauthier II. Après une longue vie, dont 65 ans de règne, il meurt le 10 août 1406. Son fils aîné, Renaud, lui succède.

Capitaine des gardes du corps du roi de France Louis XI, Renaud du Chatelet n’a pas le temps de s’occuper de son petit fief de Vauvillers. A sa mort le 22 mars 1429, il lègue à son troisième fils Philibert les seigneuries de Sorcy-sur-Meuse et de Vauvillers. Si les premiers seigneurs du Chatelet ont peu apporté à Vauvillers, qui ne comptait guère pour eux, tout change avec Philibert et d’une façon insoupçonnée.

Ce jeune seigneur reste 6 ans sous la tutelle de sa mère avant d’atteindre sa majorité en 1435, et de pouvoir entrer en possession de Sorcy et de la partie lorraine de Vauvillers. N’ayant que ces deux terres, il choisit d’habiter dans sa tour de la place-forte de Vauvillers, en face de celle de Jean de Bauffremont. En 1477, Charles le Téméraire meurt et peu de temps après, sa fille unique épouse Maximillien d’Autriche et lui apporte le duché de Bourgogne. La portion comtoise de Vauvillers doit alors passer dans la maison d’Autriche et la portion lorraine rester à ce duché.

Au moment de délimiter exactement les frontières, des difficultés apparaissent : le seigneur lorrain habite dans la place-forte, sur les terres comtoises, une bonne partie de ses sujets aussi, par contre les ressortissants comtois ont quelques petits droits sur les forêt lorraines et leur seigneur sur la verrerie du Morillon. La situation est inextricable et les seigneurs ont l’air de la compliquer à plaisir pour empêcher la séparation. Pour éviter des discussions et contestations, on ne décide pas immédiatement les frontières des deux états à ces endroits, on sursoit au partage, et Vauvillers est décrété « en SURSEANCE ». Jusqu’à nouvel ordre il sera indépendant. Tant que ce litige ne sera pas réglé, il n’appartiendra ni à Maximilien, ni au duc de Lorraine et sera donc libre de ses actes.

Sur le moment, on pense que cette « surséance » durera un an ou deux, dix au maximum. Personne n’aurait imaginé que Vauvillers allait rester libre plus de 130 ans, sans devoir d’impôt à un suzerain, les deux seigneurs agissant à leur guise, comme des rois. Cette indépendance est le début du développement surprenant que va connaître notre cité et le côté lorrain va particulièrement en bénéficier. A la mort de Philibert du Chatelet, en 1485, c’est son fils Nicolas qui hérite de Vauvillers et de la terre de Sorcy.

Avec le recul des années, on dit qu’à partir de la surséance, les du Châtelet ont été SOUVERAINS de Vauvillers ; en réalité, ce titre ne leur a été donné que progressivement et eux-mêmes n’ont pris des droits régaliens que lentement au fur et à mesure de l’expansion de leur territoire. Ils étaient loin de se douter que cette indépendance durerait plus d’un siècle. Si au départ, ils avaient un peu trop levé le tête, l’Autriche et la Lorraine les auraient vite remis à la raison en s’entendant cette fois pour se partager Vauvillers. Leur discrétion initiale a peut-être été de la prudence.

Le règne de Nicolas du Châtelet s’est donc passé sans fait marquant et en 1519, son fils Erard prend sa suite. Quelques années auparavant, le 15 juillet 1512, il a épousé Nicole de Lénoncourt, dame de Demangevelle qui lui a apporté une grande quantité de terres attenantes aux siennes (Gruey, Haumongey, Harsaut, la Haye, Grand-Rupt, le Hasterey). Erard meurt jeune après seulement six ans de règne. Sa femme devient la tutrice de leurs quatre enfants et va diriger de son mieux le fief jusqu’à la majorité de son fils aîné Nicolas. Lorsqu’elle meurt le 7 novembre 1555, elle sera inhumée dans l’église. Elle sera la première personne des familles Bauffremont et du Châtelet à avoir son gisant dans l’église de Vauvillers.

L’énergie et l’esprit de décision de Nicolas II du Châtelet, souverain de Vauvillers et dernier seigneur du Châtelet vont permettre à Vauvillers de faire un bond en avant. Pour faciliter le développement des verreries, il autorise les maîtres-verriers à prendre tout le bois nécessaire pour réparer et surtout chauffer les fours, et tailler des bois pour fermer leurs terres labourables. Et pour que tous les habitants des forêts se sentent protégés, il va combattre énergiquement la sorcellerie. A cette époque, les bruits de la forêt effraient et vite les gens s’imaginent entendre une sarabande de sorcières. De là à reconnaître parmi elles, telle voisine peu sympathique, il n’y a qu’un pas vite franchi. En outre, certains fanfarons se vantent de pouvoir jeter le mauvais sort sur leurs ennemis. C’est la sorcellerie qu’il faut réprimer à tout prix.

Le moyen le plus efficace est de prononcer des arrêts de mort et exécuter la sentence pour impressionner la foule. Nicolas II est le premier seigneur de Vauvillers à prononcer ces arrêts, et inversement, à accorder sa grâce souveraine, comme un monarque.

Voici maintenant près de 50 ans que le fief de Vauvillers est en surséance. Au fil des ans, cette situation d’attente a pris des racines, et Nicolas II croit avoir les mêmes droits que les rois au point qu’il va battre monnaie, à son nom et à ses armes, pour, dit-il, faciliter le commerce. Des écus sont d’abord mis en circulation, suivis d’une série de petites pièces de moindre valeur.

Sur le champ, Charles-Quint alors Duc de Bourgogne en possession de la Franche Comté interdit aux habitants d’user de ces monnaies et à Nicolas II du Châtelet d’en frapper. Immédiatement Nicolas obéit. Il ne peut tenir tête à un si puissant antagoniste qui risquerait de remettre sur le tapis la précision des frontières et trouverait vite un terrain d’entente avec la Lorraine pour englober Vauvillers dans ses terres. De son côté Henri II, roi de France interdit le cours de ces nouvelles pièces sur son territoire en donnant comme argument qu’elles n’ont pas le poids voulu. L’année suivante des petites pièces sortent et Henri II prend un deuxième décret plus sévère pour les interdire. De son côté, Nicolas II ne craint rien et les lettres d’Henri II ne produisent aucun effet immédiat. Mais, peu à peu, il se rend compte que ces nouvelles pièces de monnaie ne favorisent pas le commerce et qu’il est maladroit de déplaire à la France. Sagement il arrête toute frappe et mise en circulation.

Quelques années plus tard, une nouvelle religion, la réforme protestante, se répand à travers la France et Nicolas II s’engage aux côtés d’Henri II pour lutter contre cette hérésie. Avant de partir, il rédige son testament car marié depuis de longues années à Claude d’Haraucourt, il n’a toujours pas d’enfants. Il nomme ses deux neveux comme héritiers soit : Nicolas de Vienne fils de sa sœur Claude du Châtelet et Nicolas de Livron fils de son autre sœur Bonne du Châtelet qui n’est autre que l’épouse de François de Livron, seigneur de la partie Comtoise. Les deux neveux rentrent rapidement en possession de tous les biens de leur oncle et le fief de Vauvillers n’est plus désormais divisé en deux parties mais forme un tout appartenant à deux seigneurs qui en partageront les bénéfices et seront très unis pour affronter les graves événements qui vont se produire.

Depuis son indépendance de Montdoré, la terre de Vauvillers n’a cessé de s’agrandir, d’intensifier son commerce, et les seigneurs de s’imposer à leurs voisins, tout en gardant des rapports courtois avec eux, grâce aux deux grandes familles :

De Bauffremont et du Châtelet

Jusqu’à présent, c’était la personnalité des seigneurs qui faisait l’histoire de Vauvillers ; à partir de maintenant et pendant plus d’un siècle ce sont les événements, souvent dramatiques, qui prendront le pas sur les seigneurs.

Pour inaugurer ce cycle de catastrophes, Nicolas de Livron et Nicolas de Vienne voient d’abord une épidémie de peste s’abattre sur la région. Elle n’est pas la première, tant s’en faut, puisque l’on estimait qu’une personne arrivant à un âge avancé, avait dû passer au travers de 2 ou 3 épidémies. Mais celle de 1564 est particulièrement meurtrière au point que des mesures spéciales sont prises. « Défense de se grouper, raccourcir les plus possible les cérémonies religieuses pour éviter la contagion. Faire des aumônes aux pauvres pour les empêcher de circuler ».

L’épidémie arrêtée, d’autres épreuves attendent nos deux seigneurs.

Les guerres de religion

Pendant que Nicolas II combattait au loin les Protestants, ceux-ci s’infiltraient dans Vauvillers. D’abord quelques affiches collées la nuit, contre les murs de la place-forte, quelques imprimés qui traînent par terre et qu’instinctivement on ramasse. Mais pour la grande masse des gens de la terre qui ne savent pas lire, c’est de bouche à oreille, et en cachette qu’ils se transmettent les idées de la Réforme.

Le prêtre qui vient dire la grand-messe du dimanche, voit s’éclaircir progressivement les rangs de l’assistance ; dehors, ils entend des murmures hostiles et il ne tarde pas à en avertir l’archevêque de Besançon, qui répond par des mesures très sévères pour la sauvegarde de son Eglise. (Une personne trouvée en possession de tracts à distribuer, ou qui héberge un Protestant, est immédiatement excommuniée).

Le dimanche, le prêtre a beau prêcher avec conviction la fidélité à Rome et à la fois des ancêtres, la Réforme gagne du terrain.

Cette même année 1569, un des deux jeunes seigneurs, Nicolas de Vienne, se tourne du côté protestant. Les habitants veulent bien obéir à leur prêtre, mais ne veulent pas déplaire à leur seigneur et encore moins s’opposer à lui. La confusion est grande dans le fief. Converti, Nicolas de Vienne part combattre en France dans les rangs huguenots, où il meurt peu après devant Poitiers.

Lorsqu’un an plus tard, en juillet 1570, l’autre seigneur (Nicolas de Livron) meurt lui aussi, la situation est critique pour Vauvillers. Pour ajouter à ces malheurs, la disette se fait sentir, et les vols se multiplient dans les champs et dans les granges.

Huit ans auparavant, c’était le bonheur paisible et un avenir qui pouvait s’envisager avec confiance, maintenant on se demande avec angoisse ce qui va se produire.

Vauvillers avait jusque là deux seigneurs d’une trentaine d’années : Nicolas de Vienne, Protestant, qui laisse un tout jeune enfant déshérité (Marc de Vienne) et Nicolas de Livron, mort, lui sans enfant.

La succession de Nicolas de Livron revient de droit à son frère, François, abbé de la Calade dans la Meuse. Mais ne pouvant être à la fois dans les ordres et à la tête d’un fief, François laisse diriger à sa place, Ennard, le plus jeune des frères.

Ennard de Livron est bien jeune, néanmoins il ne recule pas et pour mener à bien toutes les tâches qui lui incombent, il se fait aider par des gérants choisis dans des familles de magistrats intègres. Il sera ainsi secondé par un des membres de la famille de Villers et plus tard par Clément Thomassin.

Depuis qu’il n’y a plus qu’un seul seigneur catholique, l’autre seigneur Marc de Vienne ayant été déshérité en raison de l’allégeance de son père aux protestants, des personnes qui avaient sympathisé avec des Hérétiques, voudraient revenir en arrière et reprendre rang parmi les fidèles. L’église les accueille mais, comme il y a eu faute publique, il leur faut faire amende honorable en public. Cette cérémonie a toujours lieu après la grand-messe du dimanche, pendant laquelle le prêtre avertit l’assistance qu’à l’issue du Saint Office, un des habitants doit abjurer ses erreurs.

Le calme étant enfin revenu à Vauvillers, le prêtre et Ennard de Livron jugent le moment opportun pour demander que leur église devienne une paroisse et ne dépende plus de l’Eglise-Mère Saint-Martin de Montdoré. Ils justifient leur demande en faisant état que pour les baptêmes, les mariages et les enterrements, il faut monter à Montdoré ce qui est surtout ennuyeux avec les convois funèbres. Ils adressent une longue lettre à l’archevêque de Besançon en appuyant sur la hauteur de Montdoré : « Il faut grimper cette montagne par un long et mauvais chemin, pleins d’ornières ». D’un paragraphe à l’autre Montdoré prend de la hauteur au point que l’évêque de Lausanne, habitué aux sommets alpins s’imaginera Montdoré à 1000 ou 1500 mètres d’altitude. C’est ainsi que plus tard, le 13 décembre 1604, une ordonnance donnera aux habitants le droit de faire bâtir une église assez spacieuse pour y contenir tous les paroissiens.

En attendant de devenir une paroisse, Vauvillers reprend son rythme d’avant les émeutes. En 1574, Pierrette de Geresme, veuve de Nicolas de Vienne, qui arrive à prouver qu’elle n’a pas agi en faveur des protestants, peut rentrer en possession de tous les biens qui lui avaient été confisqués. A sa majorité, son fils Marc en héritera et dirigera le fief avec Ennard de Livron.

Le sort n’épargne toutefois pas cette famille car Marc de Vienne meurt jeune, juste après avoir donné deux enfants à son épouse Marie de Châteauvieux.

Son désir d’être enterré dans l’église de Vauvillers ne peut être satisfait car, dans celle-ci, d’importants travaux sont en cours en vue de son agrandissement. Aussi, pour satisfaire en partie ses dernières volontés, Marie de Châteauvieux décide de faire prélever le cœur de son mari qui sera gardé dans un écrin jusqu’à ce qu’il puisse être mis dans l’église. L’écrin contenant le cœur, sans doute métallique, a été inséré dans un autre écrin de pierre finement ouvragé.

Lorsque l’Église sera terminée, ce reliquaire y sera déposé près de l’autel Sainte Catherine. Nous pouvons le voir aujourd’hui à gauche en entrant dans l’Église

La foi des habitants en l’Église romaine sera encore affermie, plus tard, en 1608, lors du miracle de Faverney. (le 25 mai 1608, à Faverney, jour de la Pentecôte, le Saint Sacrement est exposé ; pendant la nuit un incendie brûle la table – reposoir sur laquelle était posé l’ostensoir. Le lundi matin on découvre avec stupéfaction que l’ostensoir se trouve suspendu dans le vide au dessus des restes carbonisés. Pendant trente trois heures le miracle dure et des milliers de personnes en sont témoins).

Après ces guerres de religion qui ont duré à Vauvillers de 1569 à 1574, les gens vivent rassérénés sans se douter qu’un nouveau malheur imprévisible va les atteindre.

Première tentative de conquête Française

par Henry IV

Une fois converti au catholicisme en 1593, Henri IV est reconnu roi par tous les Français. Deux ans après, au début de 1595, il rêve de conquérir la Franche-Comté, possession de l’Espagne. Il charge de cette conquête un lorrain, Louis de Beauvau, seigneur de Tremblecourt, avec qui il a quelques liens de parenté par sa mère. Tremblecourt (photo ci-dessous) accepte et s’adjoint deux officiers lorrains ; Loupy et d’Aussonville.

Ils recrutent des mercenaires français et lorrains pour constituer un corps d’armée et attaquent brutalement le nord de la Franche-Comté. Les villes de Jussey, Luxeuil, Vesoul et Vauvillers sont saccagées. Les mercenaires brûlent les récoltes et les maisons et pillent tout sur leur passage.

A Vauvillers, une bonne partie des maisons, les halles et l’église sont incendiées. Tremblecourt assiégé dans la Motte, capitule. Lui et ses hommes sont reconduits sous bonne escorte en Lorraine où, en représailles, les Francs-comtois pillent à leur tour plusieurs localités.

Les halles sont rapidement reconstruites. Plus tard, elles subiront d’autres dommage mais seront réparées avec un tel souci d’exactitude qu’il est permis de dire que celles que nous contemplons aujourd’hui sont exactement celles de 1595, à un clou près.

Pour l’église il faudra plus de temps ;

Lorsque l’autorisation d’ériger une paroisse spacieuse et indépendante de Montdoré, sera accordée en 1604, on sera obligé pour garder le même emplacement, tout en doublant la longueur de la nef, de changer l’orientation de l’église qui ne sera plus tournée vers Jérusalem. Les dons affluent pour aider à la construction ; les seigneurs De Livron, De Vienne, De Villers, De Thomassin se montrent généreux. Même des habitants de Montdoré contribuent à l’érection de cette nouvelle paroisse, et, les travaux ne traînent pas.

L’important commerce du bois

Laissons le temps aux travaux de l’église de se terminer et profitons en pour faire une parenthèse sur le commerce du bois et faire la connaissance de l’intendant du fief, que s’est adjoint Ennard de Livron.

De magnifiques forêts de chênes séculaires et des grands bois s’étendent sur tout le fief. Outre leur beauté, ces forêts sont une source de revenus presque intarissables. Le 26 mai 1586, les arpenteurs royaux de Chaumont en Bassigny calculent que ces bois reviennent à la superficie approximative de 6400 arpents (3000 hectares environ). Une autre fois on trouvera 6800 arpents.

Ces forêts donnent le bois de chauffage et de charpente du fief. Moyennent une faible redevance, les seigneurs autorisent leurs sujets à prendre tous les bois dont ils ont besoin et jusqu’à la révolution les habitants auront de grandes facilités pour prendre le bois qu’ils veulent. Ces libéralités rendent les gens plus à l’aise et plus heureux que ceux des localités voisines.

Mais l’étendue des forêts permet autre chose que des générosités et un commerce local. Les seigneurs eurent l’idée de proposer leurs bois aux chantiers navals de France. Les liens de parenté des familles de Bauffremont et du Châtelet avec celle des de Vienne, dont le nom était connu et illustre dans la marine (un ancêtre, Jean de Vienne, était amiral de la mer pendant la guerre de cent ans) facilitèrent les échanges. Les bois furent reconnus d’une qualité exceptionnelle et particulièrement imputrescible, et le marché fut rapidement conclu. Vauvillers devint ainsi un des fournisseurs de la marine royale.

Seul ennui, l’éloignement de la mer rend difficile et coûteux le transport. Fort heureusement à partir de 1605, Henri IV commence à faire creuser des canaux de jonctions, qui feront communiquer les fleuves et rivières entre eux. Parmi les premiers, celui de Bourgogne, qui relie la Saône et l’Yonne, et, celui de la Marne, qui relie celle-ci à la Saône.

Ces canaux vont permettre aux bois de Vauvillers de se diriger vers la mer de façon simple. Sur place les arbres sont ébranchés puis jetés à l’eau au Pont du Conain (Pont du Bois). Les grumes sont réunies pour constituer des petits radeaux qu’il suffit de guider dans le courant. Après le Coney, à Corre, les bois continuent leur course dans la Saône où il suffit, au moment de sa jonction avec le canal de la Marne à Heuilley sur Saône (21) et celui de Bourgogne à Saint-Jean de losne (21) de les diriger vers la Marne ou l’Yonne pour qu’ils arrivent à Bar sur Seine où se font des embarcations de faible tonnage ou à Paris où se trouvent des ateliers de construction. Mais la plupart des bois de Vauvillers, d’excellente qualité, descendent le fleuve jusqu’à Rouen au « Clos des Galées » sur la rive Gauche.

Le « Clos des Galées » est un chantier naval où se construisent les galères de 45 mètres de long. Plus tard, ce chantier construira les vaisseaux de haut rang de la flotte de Louis XIV et Louis XV. Ainsi, au sommet d’un sapin du Morillon, a pu flotter le drapeau bleu aux fleurs de lys d’or de la marine royale.

Une fois les troncs d’arbres mis à l’eau, sur place restent les branches. Leur utilisation est immédiate dans les verreries et les forges implantées dans la forêt.

Les verreries, groupées au nord du fief, se trouvent au Hasterey, à Quinquengroigne et au Morillon. Celles du Morillon, plus importantes, sont parfois qualifiées de cristalleries.

On ne sait pourquoi certains métiers sont plus cotés que d’autres, mais à partir de ce moment, n’est plus maître-verrier qui veut. Se sont d’honorables bourgeois qui souvent demandent le droit de porter l’épée, et leurs noms sont souvent précédés d’une particule. Messieurs d’Hennezel, de Finance et de Tiniac sont les grands maîtres-verriers de Vauvillers, et la plupart du temps, le fils aîné succède au père. Plus tard, lorsque certains maîtres-verriers de Vauvillers se sentiront suffisamment riches, ils chercheront à s’élever dans la société en achetant un fief vacant et devenir seigneur.

Tout aussi important, les maîtres de forges ont néanmoins moins de panache que les maître-verriers. Les forges et haut-fourneaux de Vauvillers sont situés à Hautmongey et d’autres entre le Pont du Bois et Ambiévillers. Ils sont tenus par messieurs Oudel et Cudey.

Que de bois pour alimenter ces industries.

La forêt a beau paraître inépuisable, au bout d’un certain temps, les seigneurs se rendent compte qu’il ne faut pas gaspiller le bois. Des personnes avides, non contentes de disposer de la forêt pour leur compte, abusent de la générosité du seigneur. L’un demande des planches soit disant pour le parquet de sa maison et les vend à un ami d’une autre localité. Des enfants vont chercher les porcs des alentours et les mènent se nourrir toute la journée sous les chênes, contre salaire. Les exagérations deviennent telles qu’Errard de Livron est obligé d’interdire l’entrée des forêts, sauf pour y prendre du bois mort et des bois gisants.

En 1620, face à ces abus (des coupes clandestines se faisaient la nuit), les seigneurs présentent une requête au parlement de Dole contre les usagers voleurs. Cette requête fut appointée favorablement et communiquée aux gens du roi. A partir de là, les bois seront gardés jour et nuit.

L’intendant du fief : CLEMENT THOMASSIN

Comme nous l’avons vu au chapitre des guerres de religion, Ennard de Livron se trouve seul et sans grande expérience pour diriger l’ensemble de Vauvillers. Une lourde tâche pour ses jeunes épaules. Une aide lui serait nécessaire. Qui trouver ?

Il faut à la fois un homme de bonne famille, d’une intégrité absolue, qui connaisse les lois, soit capable de les appliquer et puisse au besoin le remplacer.

La veuve du seigneur de Montdoré s’est justement octroyé un bon administrateur en la personne de Clément Thomassin, pour régir le fief en attendant la majorité de sa fille, Anne d’Orsans. Cet intendant est issu d’une lignée de magistrats connus et anoblis par le duc de Lorraine. Il a épousé Catherine de Villers, la fille du procureur fiscal de notre ville, de plus, il est le beau-frère du respectable M. Oudel, le maître de forges de Pont du Bois et lui même possède les forges de la Chaudeau et d’Aillevillers. Il est fortuné.

Clément Thomassin accepte d’aider ce jeune voisin plein de bonne volonté. Les deux fiefs, avec un seul et même régisseur, n’en seront que plus unis, car Clément a du doigté et sait voir les besoins des gens.

Lorsqu’en 1603, la fille du défunt seigneur de Montdoré devient majeure, elle quitte le fief paternel pour suivre son mari et décide de vendre ses terres et le château-fort de Montdoré. Clément Thomassin s’en porte acquéreur pour la somme de 8000 F et devient seigneur.

Le savoir faire de Clément Thomassin lui permet d’aplanir les petits différents. Il est attentif au bonheur de ses sujets. Des serfs (paysans attachés à une terre et dépendants d’un seigneur) attachés à la terre de Vauvillers, aimeraient se rapprocher de leurs parents de Montdoré, et vice-versa, quelques-uns de Montdoré souhaiteraient être près de leur famille de Vauvillers. Des échanges de serfs auront lieu pour le simple plaisir des intéressés. Autre décision très humaine : pour une somme de 100F il affranchit une famille de manants (Roturier habitant dans la circonscription d’une paroisse, ne bénéficiant pas du statut du bourgeois et dépendant de la juridiction seigneuriale) et si cette famille s’installe à Montdoré, il la dispense de la dîme pendant 5 ans.

Cinq années sans payer d’impôts, voilà qui lui amène de nouveaux sujets. Il est permis de penser que Thomassin donnait lui-même les 100F aux manants. La somme lui était immédiatement rendue et par ce tour de passe-passe, son propre fief prenait plus d’importance. Reste à savoir le nombre de familles qu’il a ôté à Vauvillers !

Un dénombrement de la population en 1598, nous donne des chiffres exacts sur le nombre d’habitants de Vauvillers qui comptait 121 feux ou maisons. On évaluait a plus de 6 personnes chaque feu, (père, mère et 4 enfants, parfois un aïeul, un domestique ou un cinquième enfant). En multipliant par 6 ½, les 121 foyers, cela donne 786 personnes, et avec les habitants du Morillon, de Gruey, ect…. on devait arriver aux alentours de mille.

Cette population, presque au complet, s’apprête maintenant à assister à l’inauguration de l’église, terminée en un temps record.

L’église

Ce 5 mai 1605 est jour de grande liesse pour Vauvillers. Monseigneur l’archevêque et sa suite viennent de Besançon pour la consécration de la nouvelle église paroissiale et l’intronisation de son premier desservant.

Une foule considérable est présente : au premier rang de l’assistance, les deux seigneurs : Ennard de Livron, avec Gabrielle de Bassompierre, son épouse, et le jeune René de Vienne avec Marie de Châteauvieux, sa mère.

La toilette des deux châtelaines est admirée. Le tissu est un riche brocard aux tons chatoyants.

Aux rangs suivants, le procureur de Villiers, Messieurs d’Hennezel, maître-verriers, le maître de forges M. Oudel et sa famille, les seigneurs du voisinage et, debout serrés, tous les habitants de l’agglomération de Vauvillers et ceux des bois ; tous sont là.

Ils sont heureux d’avoir enfin leur paroisse et fiers du choix de l’évêché pour leur prêtre. Un jeune Franciscain, docteur en théologie, le révérend père François Guinemand. Un cadeau de l’évêque. Ce jeune théologien est aussi un scientifique.

Le choix de ce jeune érudit s’explique : Vauvillers était resté catholique, mais un grand nombre d’habitants, et surtout les notables, avaient oscillé un bon moment entre les deux religions. Ils avaient donc besoin d’un homme instruit, capable de faire revenir les indécis et de réfuter leurs erreurs.

Ce révérend père restera une trentaine d’années à Vauvillers, à la satisfaction générale, car il n’y aura aucun litige pendant son long ministère.

Une fois la grand-messe d’intronisation terminée, Monseigneur et les dignitaires de sa suite sont invités à la table du seigneur, dans la grande salle du premier étage de la tour d’Ennard de Livron. C’est fête aussi dans toutes les chaumières.

Il y avait si longtemps que l’on n’avait pas eu le cœur à rire. Il faut remonter avant les ravages causés par Tremblecourt, et avant les guerres de religion pour retrouver pareille ambiance. A table , les gens évoquent les grandes réjouissances de naguère, et espèrent en leur retour.

Ce 5 mai, les cloches carillonnent à toute volée dans l’allégresse générale, et, deux mois après, elles sonneront tous les jours et plusieurs fois par jour, le glas, car 1605 est l’année de la grande peste.

La grande peste de 1605

Elle nous arrive du nord et de jour en jour les nouvelles se font plus alarmantes. L’épidémie se propage rapidement en Lorraine, Champagne et Franche-comté. Les précautions d’usage sont prises : défense de se rassembler, éviter la proximité des pauvres souvent porteurs de germes, enterrer au plus vite les morts. Malgré tout le mal progresse de façon effrayante. Et comme toujours devant le danger, les hommes se tournent vers dieu.

Il y a longtemps, la Vierge est apparue dans le feuillage d’un petit chêne, à Montaigu, en Brabant (région à cheval sur la Belgique et les Pays-Bas), et depuis cette Vierge est invoquée spécialement en cas d’épidémie. En ce moment, les foules accourent la supplier.

Clément Thomassin, le seigneur de Montdoré, dont la famille est d’origine brabançonne, possède une reproduction de cette Vierge. Il la place dans un petit chêne du Bois de la Rieppes à proximité du village et immédiatement les gens de Montdoré vont en procession la supplier.

Les habitants de Vauvillers, comme ceux de Polaincourt et d’Hurecourt s’y rendent également en longs cortèges, à travers champs, pour prier avec le même élan et la même foi que les pèlerins actuels de Lourdes.

Le père Guinemard n’accompagne pas ses fidèles à la Vierge de la Rieppes. Il n’a que le temps de visiter les mourants, leur donner les derniers sacrements, et lorsque la cloche de l’église sonne le glas, se rendre à l’entrée du cimetière où le mort est directement mené, pour limiter les risques de contagion.

Cette épidémie s’arrêta brusquement alors que l’on n’y comptait plus, et beaucoup de personnes croiront en l’intervention de Notre-Dame de Montaigu.

Après cette peur collective, les habitants de Vauvillers et de Montdoré resteront très unis jusqu’en 1609, lorsqu’un décret de l’archevéché rattache Montdoré à Vauvillers.

Cette décision rend furieux les gens de Montdoré «  Comment nous, l’Eglise-mère, nous allons dépendre de la jeune paroisse de Vauvillers ! Ah ! Non ! » « Si nous avions su qu’en participant à la construction de cette église, on fermerait plus tard la nôtre, nous n’aurions pas donné un seul denier. Nous sommes mal récompensés de notre générosité ».

Leurs protestations n’aboutissant pas, ils passent aux actes et perturbent chaque dimanche les offices religieux à tel point qu’il devient impossible d’assister tranquillement à un office.

Ils se rendent si insupportables, que ce sont les habitants de Vauvillers, excédés, qui supplient l’Archevêque de redonner un prêtre à Montdoré, ce qu’il fait sans tarder.

A la fin de 1605, rares sont les familles qui ne pleurent pas un mort, et rares également celle qui n’ont pas eu leur maison ou leurs champs saccagés par les mercenaires de Tremblecourt.

Ennard DE LIVRON

Peu à peu le ciel s’éclaircit et les habitants de Vauvillers et des environs vont connaître une bonne période tranquille jusqu’à 1636.

Durant cette accalmie, Ennard de Livron règne sur Vauvillers où les habitants reconnaissent sa valeur. Il sait prendre les décisions énergiques au moment voulu.

Grand-maître d’hôtel du duc de Lorraine et chevalier de l’ordre du roi : deux titres honorifiques, car il reste à demeure à Vauvillers où beaucoup d’affaires demandent son concours et son verdict. Il habite une des tours de la place-forte avec sa femme, Gabrielle de Bassompière et leur fils Charles.

Après avoir réparé les dégâts causés par l’incursion de Tremblecourt, il lutte contre la sorcellerie qui depuis plus de cents ans, trouble le repos des braves gens. Pour faire reculer ce fléau, il se montre d’une sévérité exemplaire et use sans crainte de la peine capitale. Les jugements ont lieu sous les halles et les condamnations affichées à l’un des piliers. Le temps de faire le nœud coulant, de dresser le bûcher et la justice est rendue. Si la personne incriminée n’est que suspecte et même, si elle est soupçonnée à tord, par prudence, elle est marquée au fer rouge à l’épaule.

Aujourd’hui ces peines semblent disproportionnées avec la gravité de la faute, mais en cette fin de 16ème et début 17ème, les histoires de sorcellerie prennent une telle importance dans les campagnes et les bois qu’il est nécessaire de débarrasser les alentours de Vauvillers de cette hantise.

Les malheurs de Vauvillers font réfléchir Ennard : la surséance le rend libre, mais l’isole. Des rumeurs inquiétantes arrivent à ses oreilles. Henri IV ne tenterait-il pas encore de conquérir la Franche-Comté ? En cas d’attaque, serait-il mieux protégé s’il se mettait de lui-même sous la protection de l’Espagne ? Il faudrait alors abandonner la surséance.

La Franche-Comté est espagnole, un joug léger, les autres seigneurs sont presque aussi libres que lui. Evidemment, ils versent une redevance annuelle à leur suzerain. Un rattachement à l’Espagne diminuerait la richesse immédiate de Ennard, mais serait, pour le fief, une assurance d’aide en cas de difficulté. La place-forte pourrait recevoir des soldats espagnols en cas de conflit.

La surséance qui avait paru bonne aux seigneurs de Bauffremont et du Châtelet, semble maintenant plutôt défavorable.

Ennard et François de Livron mais aussi René de Vienne le co-seigneur hésitent et pèsent le pour et le contre. Toujours est-il que le temps passe et Ennard meurt en 1612 sans avoir signé la résiliation.

Finalement c’est le 2 mai 1613 que François de Livron et René de Vienne demandent la fin de la surséance et se mettent volontairement sous la dépendance et la protection de l’Espagne.

Deuxième tentative de conquête Française

VAUVILLERS est dévasté

Après la longue période de troubles des guerres de religion, le passage destructeur des armées de Tremblecourt et la grande peste qui a fait tant de victimes, la population apprécie à sa valeur, le calme des années qui vont s’écouler jusqu’en 1636.

Les seigneurs des deux tours de la place-forte ont changé :

Après Marc de Vienne, mort jeune, le 14 mars 1598, le petit René lui succède. Il est souvent appelé de Châteauvieux, nom d’une terre importante apportée par sa mère. N’étant qu’un enfant, la tutelle est assurée par sa grand-mère, Pierrette de Geresme, qui en même temps dirige la partie de Demangevelle qui lui appartient et qu’elle lui laissera plus tard.

Après Ennard de Livron, son fils Charles lui succède. Les deux seigneurs de Vauvillers sont donc très jeunes. Leur adolescence se passe dans le calme et ils atteindront l’âge d’homme sans avoir à engager leurs responsabilités.

Toutefois, des rumeurs circulent annonçant les intentions belliqueuses de la France, mais elles paraissent sans fondement. Puis un jour, en 1636, brusquement des troupes font irruption en Franche-Comté. Au nord de la province, la population est surprise par une soudaine attaque menée cette fois par des Suédois à la solde de la France. Ces mercenaires ne respectent aucune des lois de la guerre : ils incendient, démolissent et tuent tout ce qui est devant eux, sans pitié pour les femmes, les enfants et les vieillards.

En un rien de temps, Vauvillers est réduit à merci, avant même d’avoir reçu l’appui des Espagnols sur lesquels il avait misé.

Toutefois les Suédois buttent sur Besançon et Dole où les Franc-Comtois résisteront avec courage. Le siège de Dole dura du 19 mai au 14 août 1636 et les Français durent abdiquer. Ce courage fut une des raisons de l’abandon du projet de conquête de la Franche-comté.

Après cette guerre qui fit tant de victimes, Vauvillers se remet de ses blessures. Les habitants qui avaient pu se cacher, reviennent et trouvent leurs maisons à demi démolies, leurs récoltes perdues, les halles encore touchées par le feu et l’église, leur belle église toute neuve (elle n’avait que 30 ans), brûlée.

Des années de labeur s’écouleront avant de retrouver la stabilité du fief et une relative aisance dans les foyers. Ceux qui en ont les moyens font des dons pour avancer la reconstruction de l’église. Elle est moins belle que celle de 1605 mais l’essentiel est d’en avoir une le plus vite possible pour célébrer les offices. Elle est consacrée le 8 septembre 1652 au cours d’une belle cérémonie qui rassemble tous les habitants.

René de Vienne et Charles de Livron ne sont plus les jeunes seigneurs des années 1615-1620 et René de Vienne, qui avait épousé Mademoiselle de la Vieuville, meurt vers 1648. Son fils René-François lui succède et se fait généralement appeler : Marquis de la Vieuville, titre qui lui vient de sa mère. Il est gouverneur du Haut et Bas Poitou et réside plus souvent à Paris, dans son hôtel que dans la tour de la place forte de Vauvillers. Pour le remplacer, il nomme Pierre de Moussu, receveur-procureur de ses terres comtoises.

L’autre seigneur est toujours Charles de Livron, célibataire. Sur la fin de sa vie, la charge de Vauvillers lui paraît lourde et, n’ayant pas d’enfant, il décide de vendre sa seigneurie. En 1661, il vend donc sa part de fief au président de la chambre des comptes de Dijon : Pierre de Massol, un noble d’origine Italienne.

Une guerre locale

De toutes les guerres précédentes, l’invasion des Suédois de 1636 à 1640 fut la plus meurtrière et la plus dévastatrice. Vauvillers avait été rudement touché mais le fief voisin et ami, Montdoré était pratiquement rayé de la carte. Son château fort était inutilisable, le seigneur mort sans héritier reconnu, le village, un tas de ruines ; il semblait qu’il lui soit impossible de se relever.

Quelques rescapés ont rebâti leurs maisons, se sont remis à cultiver leurs champs, mais il manque une tête pour orchestrer et surtout financer le redressement de ce fief. Une poignée de bonnes volontés ne peut y suffire.

Après une trentaine d’années, tandis que Montdoré continue de végéter, Vauvillers est devenu florissant.

Le 4 mai 1678, Pierre de Massol se retire de la vie active et vend pour 120 000 F sa co-seigneurie à sa fille Elisabeth, une jeune personne énergique. Assez vite Elisabeth voit le parti qu’elle peut tirer de la situation précaire de Montdoré et caresse l’espoir de le rattacher à ses propres terres.

Il y a bien là-haut un nommé Clément de Courtaillon, neveu de l’ancien seigneur, qui tente de reprendre les terres de son oncle dont il se dit héritier, mais a-t-il le droit de prétendre au finage de Montdoré ? L’ancienneté de la seigneurie et son importance au Moyen Age exigent un seigneur plus titré que ce nobliau de fraîche date qui ne possède que la petite terre de Dampvalley.

Un jour, sans savoir qui s’était opposé à lui, Clément de Courtaillon doit justifier de trente ascendances nobles pour avoir droit à Montdoré. Par sa mère, heureusement, il peut prouver la longue lignée de nobles lorrains dont il est issu.

Ce premier ennui surmonté, en surgit un autre : Montdoré a peu de puits et très souvent, on mène les chevaux boire à la grande fontaine, près des halles. Vauvillers prend prétexte qu’un cheval atteint de la morve peut contaminer l’eau, pour fermer ses fontaines aux chevaux de Montdoré.

Et ainsi de suite, des batons sont mis en travers de la route de ce seigneur. Alors qu’avant les deux villages marchaient la main dans la main, maintenant Vauvillers créé des embûches au pauvre Montdoré.

Les habitants de Mondoré sentent cette hostilité et la distance que prend Vauvillers à leur égard. Ils ripostent à leur façon et comme ils peuvent : « Nous sommes plus anciens que vous » – « Avant, vous dépendiez de nous, vous n’étiez que des terres de culture, et jadis on disait : « Montdoré, la ville, Vauvillers, la grange. ». Et quelqu’un d’envoyer avec dédain : « Peuh ! …Si Montdoré levait le cul, Vauvillers serait foutu. »

Et bien ces deux vers inégaux ont été tellement dits et redits qu’ils ont résisté à l’usure du temps et sont encore en mémoire des habitants, surtout ceux de Montdoré.

Montdoré se défendit tant et si bien qu’il est toujours là, indépendant.

Un an après avoir pris la suite de son père, Elisabeth épouse Charles-Henry de Clermont-Tonnerre, marquis de Crusy.

Avec ce seigneur, une ère heureuse commence pour Vauvillers.

Charles-Henry de CLERMONT-TONNERRE

Marquis de Crusy

Clermont-Tonnerre : un nom connu de tous les habitants. Cette famille a fortement marqué notre cité et dès le premier seigneur qui apparaît dans notre histoire. Charles-Henry n’est que « prince consort », ne signera aucun décret, mais il marquera Vauvillers de sa personnalité.

Il n’est plus tout jeune, 42 ans, vient d’Ancy-le-Franc dans l’Yonne, belle demeure ancestrale bâtie entre 1544 et 1550.

Sa famille, une des plus ancienne de France, est originaire de Clermont en Dauphiné. Leur blason est composé de « deux clefs d’argent posées en sautoir sur fond de gueules ». C’est toujours le blason de notre commune.

Le nom de tonnerre a été ajouté à celui de Clermont lorsqu’une tante leur légua ce comté. Charles-Henry héritera de son père du marquisat de Crusy, riche terre de l’Yonne.

En s’installant dans nos murs, il y apporte un des grands noms de France. Ses goût raffinés et surtout sa simplicité lui assureront l’estime de tous. C’est un seigneur abordable et entre Vauvillers et lui s’établit un pacte d’amitié.

L’époque, il est vrai, s’y prête un peu. Depuis que la Franche-Comté est rattachée à la France, la tendance est à la détente.

Les gens n’aiment toujours pas leur nouvelle patrie, mais ils ne redoutent plus la guerre puisqu’ils font partie du Royaume. Aux destructions et à l’incertitude des années passées succèdent le calme et le luxe et Charles-Henry qui est apparu à la même époque personnifie ce changement. Ce seigneur raffiné et si proche de ses sujets est un Français d’origine et, à travers lui, les habitants de Vauvillers vont commencer à aimer la France.

De son mariage avec Elisabeth de Massol naissent trois enfants : Marie-Magdeleine en 1682, Charles-Henry Louis en 1683 et Gaspard en 1688.

Chose rare à une époque où la noblesse ne fraye pas avec les autres classes de la société, ces trois enfants peuvent s’amuser avec ceux des bourgeois et ils ont même bien pu faire une partie de cachette ou de colin-maillard avec de petits paysans.

Dés son installation à Vauvillers, Charles-Henry souhaite une autre demeure pour lui et les siens. Passer des vastes espaces du parc d’Ancy-le-Franc à l’horizon bouché des murs d’une enceinte moyenâgeuse, était un peu déchoir.

Charles-Henry et Elisabeth élaborent alors les plans de leur futur château. Sa forme rappellera Ancy-le-Franc et il sera à l’intérieur de la place-forte devenue inutile et que l’on démolira.

Pour donner à ce château un cadre décent, Charles-Henry souhaite plus de propreté dans sa ville. Il lutte pour que les tas de fumier ne soient plus devant les maisons et qu’au milieu de la rue principale ne coulent plus d’eaux nauséabondes. Pour lui faire plaisir, Vauvillers fait toilette.

Lorsque le 19 février 1689, seulement dix ans après son arrivée, Charles-Henry meurt, la consternation est générale. Ces dix années ont suffi pour qu’il soit pleuré de tous. Il avait 52 ans.

Elisabeth de MASSOL

Une fois seule et sans l’appui moral de son mari, Elisabeth ne se laisse pas abattre et dirige Vauvillers de main de maître. La voie tracée par Charles-Henry sera suivie et d’heureux résultats surviendront.

Avant de reprendre les plans du futur château et de ses jardins, elle fait plaisir à ses sujets en dotant l’église de nouvelles cloches. Cette église, qui avait été rebâtie en hâte et avec peu de moyen dix ans après l’invasion des Suédois, n’avait toujours pas de cloches. Lorsqu’en 1697, un joyeux carillon se répandit sur la cité et la campagne environnante pour appeler les fidèles, l’émotion fut grande. Une foule compacte assista à la bénédiction des cloches.

Après trente ans de paix, le fief retrouve sa prospérité de naguère jusqu’en 1702, année où une disette jamais vue s’abat sur la France et tout particulièrement sur la Comté de Bourgogne. Cette calamité va durer près de dix ans.

Tout commence en 1701 avec une nuée d’insectes qui s’abat sur la région et dévaste les récoltes. Les années suivantes la misère s’accentue et les années de disette également et, ce fut pire en 1709.

Le sixième jour de janvier 1709, il se leva un vent de bise si violent après plusieurs jours de pluie, qui causa une si forte gelée et de si longue durée qu’elle fit perdre entièrement tous les blés.

Les vignes furent tellement touchées que dans tout le pays on ne fit point de vin. Presque tous les vieux arbres, surtout les noyers, les cerisiers et les pommiers furent gelés et moururent au printemps, ce qui causa une telle famine dans toute la province que les pauvres furent contraints d’aller cueillir des herbes sauvages dans les champs, de faire du pain de gland et de manger le carnage des bêtes mortes.

Si les privations ont rendu tristes les paysans qui avaient beau semer, sarcler et ne récoltaient presque rien, une tristesse bien plus grande s’est abattue sur la marquise avec la mort de son fils aîné, Charles-Henry-Louis. Ce jeune seigneur est mort hors de Vauvillers (aucun document local ne nous renseigne à ce sujet). Il avait 18 ou 19 ans.

Pendant les années où la population eu du mal à survivre, la marquise n’a donné aucune fête, elle-même trop éprouvée. Le château, dont les plans sont arrêtés, attendra un meilleur moment pour être mis en chantier.

Gaspard, le fils qui lui reste, aime l’armée. Dès l’âge de 15 ans, en 1703, il commence à servir et, à 21 ans, il est à la tête d’un régiment de cavalerie. Au cours de ses divers cantonnements, il fait la connaissance d’Antoinette Pothier de Novion, d’une noble famille d’Ile de France et l’épouse le 29 avril 1714.

Élisabeth attendait la majorité de son fils pour lui laisser sa place à la tête du fief. C’est ce qu’elle fait. Elle avait 68 ans et depuis la fin des années de disette, le fief reprenait son essor.

Gaspard de CLERMONT-TONNERRE

Si le nom des Clermont-Tonnerre est liè à celui de Vauvillers, nous le devons à Gaspard qui a porté haut le renom de notre cité et lui a donné ses pages de gloire.

Lorsqu’en 1715, il prend officiellement la tête du fief, tous les habitants en sont heureux ; non qu’ils manquaient d’estime, loin de là, pour sa mère Elisabeth de Massol, mais Gaspard est « leur seigneur ».

Les anciens disent : « Nous l’avons vu grandir ; enfant, il souriait à tous ». Parmi ceux de son âge, plusieurs se souviennent d’avoir joué avec lui, des souvenirs inoubliables.

Une fois sorti des années de disette, le fief reprend vite sa prospérité d’antan et rien ne retarde plus la construction du château qui sera échelonnée :

Dans un premier temps le logis des seigneurs puis en face, celui des serviteurs et les écuries ; entre les deux, la cour d’honneur terminée par une balustrade et des escaliers qui mènent aux jardins à la française.

Plus tard, ce sera le troisième côté avec la porte d’entrée (le dôme) au sommet de laquelle brilleront les deux clés d’argent des armoiries. De part et d’autre de cette porte se dresseront les services administratifs avec les logements du bailli et du procureur fiscal.

Le château proprement dit apparaît surmonté d’une toiture couverte de tuiles vernies de plusieurs couleurs, comme aux hospices de Beaune ou à l’hôtel de ville de Gray. Au centre de la façade, une légère avancée coiffée d’un fronton triangulaire, est, au premier étage, garnie d’un balcon en fer forgé aux initiales C.M. (Crusy et Massol). A l’intérieur de belles pièces desservies par un hall d’où partent des escaliers à la rampe de fer forgé aux initiales C.C. (Clermont et Crusy). Faisant face au château, les communs ont la même toiture et l’avancée de sa façade surmontée aussi d’un fronton triangulaire.

Ce château a malheureusement subi deux incendies. En 1830 où la toiture et la décoration intérieure sont très endommagées. En 1931, le feu prend dans les combles et se propage rapidement dans toute la moitié gauche du château. Toute la toiture de cette partie du château est refaite avec une charpente métallique mais, malgré le prix élevé, la commune décide de remettre de petites tuiles vernies multicolores pour conserver le même style.

Gaspard prend les rênes de Vauvillers en 1715, année de la mort de Louis XIV. Quelques mois plus tard, il prête serment d’allégeance au jeune Louis XV successeur de Louis XIV, qui n’a que 5 ans.

Militaire, les qualités de chef dans l’armée Française de Gaspard sont très vite reconnues.

Dès 1720, il est décoré de l’ordre de Saint-Louis, et le 16 mars 1736, Louis XV le nomme lieutenant général et maître de camp de la cavalerie. Après s’être distingué à la tête de la cavalerie durant la bataille de Fontenoy en 1745 et à Raucoux en 1746, il est nommé maréchal de France le 17 septembre 1747.

Lorsqu’il n’est pas aux armées, Gaspard retrouve avec joie son fief et durant les séjours de plus en plus longs sur ses terres, il y déploie une activité inlassable.

Le 7 mars 1739, le duc Charles Vienne, duc de la Veuville, second seigneur de Vauvillers, qui n’y réside presque jamais, vend sa co-seigneurie à Gaspard de Clermont-Tonnerre pour 350 000 livres. Gaspard devient alors le seul seigneur de Vauvillers.

Avenant, souriant, il n’en reste pas moins que Gaspard mène son fief avec une main de fer, et une discipline militaire. Après avoir fait cesser les abus continuels dans les forêts (les gens coupent des arbres pour leur chauffage, leur maison, leur four et même en vendent), il remet l’économie du fief à flot ce qui lui permet de rouvrir des forges qui avaient dû fermer et de faire face à d’autres dépenses urgentes dont l’église.

Il faut la démolir pour en bâtir une autre, digne de Vauvillers et solide. Plusieurs projets sont à l’étude et c’est celui du 28 mars 1768 qui est retenu. Une somme très importante (38 804 livres) est nécessaire pour cette reconstruction . Elle sera fournie par les habitants sous forme de dons et de fondations et par la générosité de Gaspard de Clermont-Tonnerre. Sa construction durera 5 ans.

Après le château et l’église, les travaux continuent avec les halles qui ont besoin d’être consolidées. Elles seront réparées avec un souci d’exactitude remarquable. Dans le même temps il sera construit une fontaine en pierres de taille dite « La grande Fontaine » à coté de la fontaine Hexagonale datant elle du 15ème siècle.

Tandis que Vauvillers déborde de vie et d’activité constructive, le château est le havre où Gaspard aime se reposer au milieu de sa nombreuse famille. Le temps s’écoule ainsi et Gaspard atteint 85 ans. Il semble avoir fini toute activité lorsque la mort du roi Louis XV en juin 1774, l’oblige à sortir de sa retraite.

Louis XVI, petit-fils de louis XV lui succède mais son sacre n’aura lieu qu’un an après le 11 juin 1775, en la cathédrale de Reims. Il est d’usage que pendant cette cérémonie, le plus ancien des maréchaux tienne l’épée du Roi, dressée devant le monarque. (Cette épée n’est autre que « Joyeuse » celle de Charlemagne qui depuis ce temps-là se transmet d’un roi à l’autre). L’honneur de porter « Joyeuse » revient au maréchal Gaspard de Clermont-Tonnerre alors âgé de 87 ans. A cette occasion, pour honorer Gaspard, vaillant chef militaire et vainqueur de Fontenoy, Louis XVI décide de l’élever à la dignité de duc et pair de France.

Gaspard de Clermont-Tonnerre passa encore 6 années paisibles dans son château avec seulement de brefs séjours à Paris. C’est pourtant là, chez son fils, qu’ils s’éteignit le 16 mars 1781, à 93 ans.

Vauvillers le pleura sincèrement. Ses qualités de simplicité, d’affabilité et ses grandes réalisations lui avaient acquis l’estime de tous ses sujets. Son fils aîné, Charles-Henry-Jules lui succède.

Avant de parler de Charles-Henry-Jules revenons sur un autre personnage illustre de la commune :

Le Cardinal Jean-Claude SOMMIER

1661 – 1737

Fils de Nicolas Saumier qui fût bailli de Vauvillers et petit-fils de Adam Saumier qui, en 1636, fût commandant du château de Vauvillers, Jean-Claude Sommier est né à Vauvillers.

Initialement, sa famille s’appelait Saulnier, puis le nom écrit avec un « L » trop court devient Saumier, et encore plus mal écrit Sommier.

En 1607, cette famille se fait construire une belle maison de style renaissance avec une tourelle d’angle hexagonale, montée en encorbellement, dans la rue qui mène aux Halles (rue du château). Bien que radicalement remaniée au XVIIIème et XIXème siècles, cet édifice a conservé sa façade en pierre de taille flanquée d’une échauguette d’angle ainsi qu’un remarquable portail en bossages en forme de nids d’abeilles, richement sculpté de masques et de feuilles d’acanthe, dont il rest peu d’exemples de cette qualité en Franche-Comté.

L’extérieur est encore en bon état. A l’intérieur, le parquet était constitué de larges bandes de chênes, réunies les unes aux autres par de gros clous de tapissier, à tête décorée. Malheureusement ce parquet magnifique et original faisait buter le maître de maison des années 1860, qui le fit remplacer par un parquet simple.

Dans cette demeure, le jeune Jean-Claude passe sa jeunesse avant d’entrer au séminaire. L’étude lui plaît et il devient rapidement docteur en théologie et professeur de l’ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit. De 1708 à 1711, il écrit « Histoire dogmatique de la religion » qui comprend « L’Histoire et l’Explication du Décalogue » (dix commandements) après quoi il écrit « L’histoire du Saint Siège » en 7 volumes. (bibliothèque d’Epinal 51.123 à 128).

A ses qualités d’écrivain s’ajoute le don de la parole. Sa voix prenante et onctueuse le fait apprécier comme prédicateur.

Ses supérieurs ne tardent pas à lui confier des postes élevés : abbé commanditaire de l’abbaye de Sainte Croix de Bouzonville, grand prévôt de l’Eglise de Saint-Dié, Conseiller-prélat en la cour souveraine de Lorraine et Barrois, archevêque de Césarée et assistant au trône pontifical.

A l’époque, si l’on avait une certaine notoriété, il était alors permis d’être appelé cardinal dès la dignité précédente; c’est le cas pour le « cardinal Sommier ».

Saint-Dié n’est qu’à une centaine de kilomètre de Vauvillers que le cardinal n’oublie pas. Lorsqu’il en a le temps il vient chez son frère dans la maison à tourelle. Il ne manque pas d’être généreux pour l’église où il a été baptisé. Le tryptique qui se trouve au milieu du mur à gauche de la nef, est un de ses cadeaux. Son blason est reproduit au dos d’un des volets.

A l’âge de 76 ans, malade, le cardinal songe à sa mort prochaine. Le 7 mai 1737, il établit une fondation en l’Église de Vauvillers et remet à cet effet la somme importante de 6000 livres entre les mains de Gaspard de Clermont -Tonnerre.

Monseigneur Sommier a contribué à la notoriété de Vauvillers au début du 18ème siècle.

Duc Charles-Henry-Jules de Clermont-Tonnerre

Dernier seigneur de Vauvillers

1781 – 1794

Charles-Henry-Jules a 61 ans lorsqu’il hérite du titre de duc et pair de France, de maître des maisons de Dauphiné, et devient seigneur de Vauvillers.

Comme son père, il aime la vie militaire, c’est un brillant officier. A 20 ans, le 21 février 1740, il est nommé maître de camp d’un régiment de dragons.

L’année suivante, le 5 juin 1741 il épouse Marie-Anne-Julie le Tonnelier de Breteuil, fille de très haut et puissant Sr François-Victor le Tonnelier de Breteuil, marquis de Fontenay-Tresigny, secrétaire d’État. Les rangs de sa famille et de celle de sa femme en font un des nobles les plus en vue de France.

Charles-Henry-Jules et son père Gaspard sont au même moment sous les drapeaux pour défendre la cause de la France. Mais tandis que Gaspard est attaché à sa terre natale, à son château et y revient dès que possible, son fils est attiré par la vie de cour.

Il possède un hôtel particulier à Paris, quai de la Tournelle, et peut ainsi suivre la cour au louvre et à Versailles. Il délaisse sa province. La jeune duchesse, Marie-Anne fait partie de la suite de la Reine, honneur dont elle n’use guère. Elle préfère la vie calme du château de Vauvillers en surveillant ses 3 jeunes fils.

Après la mort de Gaspard, la duchesse est bien souvent seule et les habitants reportent sur elle, l’estime et le respect qu’ils avaient pour leur seigneur.

Les années passent et la présence effective d’un chef manque à Vauvillers ; et puis, on ne sait quel vent souffle mais presque partout la situation se détériore. Les humbles de la terre osent relever la tête, ils osent même s’unir pour protester.

A l’approche de 1789, la révolution est près d’éclater.

A Paris, le 14 juillet, les révolutionnaires prennent la Bastille. Peu de jours après, le 25, Vauvillers est envahi par une troupe importante d’émeutiers dès 8h00 du matin. Environ 800 hommes des communautés vosgiennes de Gruey, Grand-Rupt, la Haye, Surance, Hatrey, Harsaut, Haut-Mougey et Ambievillers, armés de pistolers, de gourdins et de fourches, attaquent le château. Alertés, les échevins tentent de les raisonner et les avertissent que s’ils ne se retirent pas, les habitants sont prêts à défendre le château et ses occupants.

Loin de reculer, les insurgés haranguent la population pour qu’elle s’unisse à eux contre les nobles et le clergé.

Personne à Vauvillers ne trahira la bonne duchesse. A l’estime que lui portent ses sujets, s’ajoute un sentiment de pitié pour cette femme assez délaissée. Ils ont conscience d’avoir à la protéger. Ils arrivent à temps pour porter secours à la pauvre Marie-Anne et la faire s’enfuir juste avant que les émeutiers pénètrent dans le château et le saccagent.

En hâte, la défense s’organise, des affrontements ont lieu, il y a des morts et des blessés. Une courageuse fidélité. Si Marie-Anne n’avait pas été aimée de ses sujets, elle n’aurait pas été défendue et le château qui aujourd’hui fait la parure de Vauvillers, aurait été beaucoup plus abîmé.

Le nouveau duché de Clermont-Tonnerre, créé par Louis XVI est bien connu de Paris. Aussi, sans délai, les révolutionnaires installent un comité de surveillance particulièrement vigilant pour la commune de Vauvillers. Les habitants vont vivre dans l’épouvante plusieurs années. Il leur est même interdit d’aller à l’église sous peine d’emprisonnement.

Ce comité va par la suite, recruter des membres parmi la population. Mrs Rainquebac père, Revillout et Dufourf en feront partie. Une chance pour Vauvillers, ces trois hommes qui ont adopté les idées nouvelles de liberté et d’égalité, ne sont pas sanguinaires. Au contraire, ils libéreront le plus possible leurs concitoyens.

De l’extérieur parviennent des nouvelles bien tristes. Le deuxième fils de notre duchesse est mort. Peu après on apprend la mort de l’aîné. Puis, un jour de 1794, le bruit court que le seigneur a été guillotiné. La consternation se lit sur le visage des habitants qui apprennent que le duc a été jugé le 7 thermidor An II par le terrible Antoine Fouquier-Tinville, celui qui a dirigé le procès de la reine et l’a envoyée à l’échafaud. Le 8 thermidor, Charles-Henry-Jules est exécuté.

Durant plusieurs années Vauvillers vit dans les transes. Puis peu à peu, les arrestations diminuent, la peur s’éloigne. Il semble qu’un jeune officier, victorieux en italie, Napoléon Bonaparte, regroupe tous les français autour de lui. La révolution prend Fin. (Pour plus de détails, voir le document spécial concernant l’historique des faits durant la révolution à Vauvillers et la fin du règne de la famille Clermont-Tonnerre à Vauvillers).

Que reste-t-il de Vauvillers ?

Ses bois, décrétés biens nationaux, ont été répartis en l’an IX et X du calendrier républicain (1801 et 1802). La division de la France en départements a séparé définitivement la partie lorraine qui est englobée dans les Vosges.

La population est très appauvrie par le fournitures de blé et de fourrage pour les troupes. Nul n’a été épargné dans la tourmente.

Plus question de duché. Le duc de Clermont-Tonnerre et deux fils sont morts, une partie de leurs biens ont été confisqués par l’Etat, seuls le château saccagé, inutilisable, et les terres attenantes restent à la famille. L’héritier en est le troisième fils, Jules-Gaspard-Aynard. Mais pendant la révolution, il a jugé prudent d’abandonner ses droits.

Aynard n’ayant pas d’enfant, vend son château à la commune le 22 octobre 1823 pour la somme de 15 000 F. Il ne lui reste à Vauvillers que quelques terres mais, sans demeure pour y habiter, il s’en désintéresse. Veuf, il épouse en deuxième noces, Victoire de Sellon, et vit à Turin.

A sa mort, en 1837, il lègue ses terres de Vauvillers à sa femme qui à son tour les laisse à sa sœur, la marquise de Cavour, mère du comte de Cavour, le célèbre ministre Italien.

Si Jules-Gaspard-Aynard n’avait plus de château, il lui restait son titre de duc et pair de France. Il le lègue à son oncle, Gaspard-Paulin de Clermont-Tonnerre qui habite le château d’Ancy le Franc.

C’est la fin de la seigneurie de Vauvillers.

De toute la comté de Bourgogne, Vauvillers a été le plus touché par la Révolution. Il avait eu les faveurs de Louis XVI, s’était trouvé le plus à l’honneur, il a été le plus visé.

Des années s’écouleront, des siècles peut-on dire sans qu’il retrouve sa vigueur d’antan. Finie la vie de château et le prestige des Clermont-Tonnerre. Les grandes heures de Vauvillers sont passées ; meurtri, il rentre dans le rang.

Le château resta tristement sans vie durant plusieurs années jusqu’au 12 mai 1827, date à laquelle le conseil municipal sous la houlette du maire Isidore Doillon sollicite la réparation du château pour y loger les Gendarmes, la Justice de Paix, les maîtres et maîtresses d’école et les bureaux de la mairie. Eu égard à l’ampleur des travaux, les avis sont très partagés et durant plusieurs années, les membres du conseil hésitent entre la réparation du château et sa destruction. Ce n’est que le 10 mai 1830 que le principe de réparation du château est adopté. Les travaux se terminent en 1833 et la facture s’établit comme suit : Bâtiment principal 30273,80 F – Écurie 8841,50 F soit un total de 39115,30 F.

L’histoire de la France continuera, Vauvillers y prendra part, mais humblement. Beaucoup de jeunes gens s’inscriront dans les troupes napoléoniennes, un bon nombre de soldats mourront à Tilsit et pendant la retraite de Russie, mais aucun ne deviendra maréchal d’empire après Austerlitz ou Wagram.

Au village-même, les jours de marché sous les halles n’auront plus l’affluence d’avant ; les gens se dirigeront vers les villes plus achalandées. Les artisans verront disparaître leurs métiers : les dentellières ne seront plus assises devant leur porte, fuseau en main.

Vauvilleroises et Vauvillerois souvenez-vous. Souvenez-vous que ce sont vos anciens seigneurs qui ont bâti ce château, devenu aujourd’hui le palais de votre vie civile ; que ce sont eux qui ont édifié cette église, centre de votre vie religieuse ; que ce sont eux qui, par leurs sages mesures administratives, ont fait la prospérité de votre pays ; que ce sont encore eux, ou ceux qui ont voté avec eux, dans la nuit du 4 août 1789 (nuit au cours de laquelle les habitants protégèrent Mme de Clermont-Tonnerre), qui ont contribué à vous rendre ces franchises dont, à juste titre, vous avez lieu d’être fiers ; que ce sont eux enfin qui, par leur notoriété familiale, vous ont permis, à vous mêmes, de vous créer une histoire.

La période Napoléonienne n’apportera pas de grands bouleversements à Vauvillers qui a vécu son âge d’or. Beaucoup de jeunes du village participeront aux campagnes de l’empereur en mourront à Tilsit ou lors de la retraite de Russie.

Le commerce sera moins florissant et l’affluence des jours de marché diminuera peu à peu. Les habitants se dirigeront progressivement vers les villes mieux achalandées.

La deuxième partie du XIXème siècle sera paisible. Vauvillers ne fut pas touché par la révolution industrielle. Loin des matières premières et des voies de communication (ni voies navigables, ni voies ferrées), seuls le commerce du bois, le statut de chef-lieu de canton et l’artisanat, dont de nombreuses maisons de broderies, permettront à Vauvillers de garder un statut et une population enviable.

Ses enfants participeront aux 3 conflits mondiaux, les guerres de 1870, de 14-18 et de 39-45.

Un enfant de Vauvillers s’illustrera dans la carrière militaire : Le général MARCOT

Né à Vauvillers le 22 août 1845, Louis Marcot est le fils de Louis François, sellier, et d’Hortense Becker. Saint-cyrien de la promotion d’Oajaca (1864-1866), officier d’infanterie au 49ème régiment d’infanterie de ligne, il est lieutenant au début de la guerre franco-prusienne. Passé au 113ème régiment d’infanterie en septembre, il échappe à la mort dans l’explosion d’une poudrière. Il sert ensuite à l’armée de Versailles de mars à juin 1871. Au 113e d’infanterie, commandé par le Colonel Cholleton qui le précédera en tant que commandant l’École spéciale Militaire de Saint-Cyr, Marcot est promu capitaine en 1875. Le 30 octobre 1876, il épouse Louise Ratisbonne, fille de Louis Rastibonne, bibliothécaire du Sénat mais également poète alsacien. L’un de ses témoins de mariage est le général Cholleton. Chef de bataillon en 1883, Marcot est affecté en Afrique du Nord entre 1889 et 1890. Pendant les années 1890, il sert successivement aux 63ème puis 7ème régiment d’infanterie. Colonel en 1896, il est promu général de brigade en mai 1901 et placé en disponibilité. Le 12 octobre 1901, il prend le commandement de l’École spéciale Militaire de Saint-Cyr et succède au Général Passérieu.

Quatre promotions se succèdent pendant son passage à l’école : du centenaire d’Austerlitz (1904-1906), de La Tour d’Auvergne (1903-1905), du Sud-Oranais (1902-1904), du centenaire de la Légion d’honneur (1901-1903). Marcot doit faire appliquer la nouvelle loi sur le recrutement de l’armée du 21 mars 1905. Elle fixe à deux ans la durée du service actif et impose aux Saint-cyriens (et aux Polytechniciens) une année de service dans un corps de troupe avant d’intégrer l’École.

Sous son commandement, l’École connaît de profondes transformations dans son organisation. Les sœurs de Saint-Vincent de Paul, attachées au service de l’infirmerie-hôpital quittent l’École et sont remplacées par du personnel militaire et civil de l’État. Marcot résiste aussi aux demandes du ministère de la Guerre qui exige le départ de monseigneur Lanusse, aumônier de l’école depuis 1871. Finalement, celui-ci décède le 25 octobre 1905. Marcot doit aussi faire face à plusieurs mouvements d’opposition des élèves. Ainsi, malgré l’interdiction, les élèves de la promotion d’In Salah (1899-1901) jouent « la spirituelle mais mordante revue » qui égratigne l’encadrement. Cette promotion n’a pas eu de Triomphe, cérémonie clôturant traditionnellement la scolarité à Saint-Cyr.

Enfin, sous son commandement, l’élève-officier Rollin de la promotion du Sud-Oranais compose le célèbre poème « La Gloire », texte de tradition toujours appris par les Saint-cyriens.  Louis Marcot est également le père nourricier des futurs généraux Guillaume Barrau (1882-1970) et Henry Vernillat (1884-1949), saint-cyriens de la promotion de la Tour d’Auvergne (1903-1905).

Promu général de division en janvier 1907, il prend le commandement de la 15ème division d’infanterie. Touché par la limite d’âge en 1910, il est placé en 2e section, puis rappelé en 1914. On le place à la tête de la 81ème division territoriale, une grande unité, composée des soldats les plus âgés, qui est engagée dans la première bataille d’Artois en octobre 1914. Le 4 octobre 1914, durant la bataille d’Arras, il est mortellement frappé par un éclat d’obus à Essarts-les-Bucquoy, après avoir réussi à contenir l’assaut durant plusieurs jours et meurt le même jour des suites de ses blessures. Âgé de 69 ans, c’est le Saint-Cyrien le plus âgé « mort pour la France ».

Le village paiera un lourd tribut durant les deux derniers conflits mondiaux. Durant le conflit de 39-45, de nombreux jeunes du village ont rejoint les maquis qui fleurissaient dans les forêts de la région dont celui du Morillon qui fut décimé fin 1943, début 1944 suite aux dénonciations de l’un de ces membres retourné par l’ennemi. Bertrand FOLIGUET, gendarme à la brigade de Vauvillers en faisait partie.

Bertrand Foliguet est né en 1915 à Colombe les Bithaine (70) et fut affecté en 1941 en qualité de Gendarme à la brigade de Vauvillers.

Membre de l’O.C.M. l’organisation civile et militaire qui était une organisation de résistance Française, il entre dans le groupe clandestin sud-vosges de l’armée secrète « le maquis du Morillon ». Arrêté à son domicile le 25/11/1943 suite à la dénonciation d’un résistant retourné par l’ennemi, il est emprisonné à Épinal puis condamné à mort et fusillé par l’ennemi avec 5 de ses camarades le 5 février 1944. Il avait 29 ans, était marié et père de deux enfants. La nouvelle caserne de gendarmerie de Luxeuil qui a été inaugurée le 24 juin 2017 a été baptisée du nom de ce gendarme résistant.

Vauvillers donnera à la IIIème république, un sénateur, Jules Hayaux et un député, Albert Mauguière (brodeur). Albert Mauguière sera député de 1928 à 1939. Les pleins pouvoirs du Maréchal Pétain stopperont net sa carrière politique.

L’après guerre se poursuivra calmement et dans la discrétion. Seules les batailles électorales épiques entre adversaires politiques de toujours, pimenteront la vie tranquille des Vauvillerois et Vauvilleroises.

Les autres grandes dates qui ont façonné l’histoire de Vauvillers

(archives délibérations des conseils municipaux)

  • 9 février 1832 – Déplacement du cimetière route d’Alaincourt. L’ancien cimetière se trouvait à l’emplacement de l’actuelle place de la Grande Fontaine.

  • 1833 – Réfection du château et pose de volets. (Ces volets seront démontés le 25 octobre 2014. Pour la plupart en très mauvais état, ils ne pouvaient être réparés. La commune n’ayant pas les moyens financiers de les remplacer a décidé de les enlever. Cela eu pour effet de redonner au château son état originel dans un style qui correspond mieux à l’architecture).

  • 1835/1836 – Construction de la fontaine de la Maladière.

  • 21 juillet 1837 – Vote de ressources pour l’établissement d’un chemin de grande communication de Vauvillers à Corre par Demangevelle.

  • 13 mai 1842 – Organisation d’un corps de sapeurs pompiers.

  • 21 août 1843 – Il est envisagé de réparer ou de remplacer les orgues de l’église.

  • 5 février 1845 – Naissance du projet de création d’un chemin de grande communication entre Vauvillers et Port d’Atelier par Senoncourt et Amance.

  • 4 février 1846 – Création d’un poste de cantonnier communal (traitement : 360 F annuel).

  • 8 août 1847 – Décision d’organiser 12 foires par an à Vauvillers – le jeudi.

  • 22 novembre 1847 – Projet de construction d’un mur d’enceinte autour des lavoirs de la grande fontaine. (ouverture des crédits le 4 février 1848).

  • 20 février 1848 – Ouverture de crédit pour la plantation d’arbres dans la cour du château.

  • 17 octobre 1855 – Création d’un marché couvert au blé dans la salle des fêtes.

  • 18 février 1860 – Acquisition par la commune de la maison et des jardins Revillou, dépendances du château.

Les Maires de Vauvillers

  • 1826 / 1829 : Isidore DOILLON

  • 1829 / 1830 : François-Nicolas DARD (suspendu de ses fonctions le 26/09/1830).

  • 1830 / 1834 : Xavier PERRIN (Notaire Royal – nommé par le préfet).

  • 1834 / 1835 : Pierre-François BIGNAND.

  • 1835 / 1837 : Claude-François CHARIOT.

  • 1837 / 1841 : Eugène REVILLOU. (démissionne en 1841)

  • 1841 (2mois) : Paul-Justin-Victor JOBERT, négociant.

  • 1841 / 1846 : Alexandre PERRIN – Notaire (Réélu en 1843 à l’occasion des premières élections municipales dont les scrutins ont eu lieu les 11 et 18 juin 1843). Avant ces premières élections, les maires étaient nommés par le Préfet.

  • 1846 / 1850 : Étienne PATZIUS (chef d’escadron à la retraite).

  • 1850 / 1852 : Charles PERNET (propriétaire rentier)

  • 1852 / 1870 : Jean-Baptiste CLERE (notaire). Nommé par le Préfet. En 1855 nommé de nouveau par l’empereur Napoléon III. De nouveau nommé par décret en 1865.

  • 1870/ 1871 : Alexandre CHARIOT (nommé par le Préfet).

  • 1871 / 1883 : Amédée PERRIN. Réélu en 1881.

  • 1883 / 1900 : Jules BAILLY.

  • 1900 / 1916 : Dr FOURNIER. (décédé le 15 avril 1916).

  • 1916 / 1919 : Auguste REMOND (adjoint faisant fonction de maire – période 1ère guerre mondiale)

  • 1919 / 1925 : Léon MOREL. (vétérinaire).

  • 1925 / 1928 : Auguste REMOND. (élu au bénéfice de l’âge – égalité de voix – 6 ).

  • 1928 / 1940 : Albert MAUGUIERE (Brodeur). Deviendra député jusqu’à la guerre de 39/45.

  • 1947 / 1951 : Paul MARTINET (commerçant).

  • 1951 / 1977 : Marcel GIBERTON. Inspecteur de l’enregistrement (4 mandats). Démissionne en 1960 en raison de son activité professionnelle au département, incompatible avec la fonction de maire. Louis GIROZ, coiffeur et adjoint est nommé à sa place. En 1961 M. GIBERTON étant muté à Belfort redevient éligible et reprend sa place.

  • 1977 / 2001 : Gaston PREVOST. (4 mandats – enseignant à la retraite).

  • 2001 / 2008 : Denis ROUYER. (agriculteur).

  • 2008 / 2014 : Michel EBLE. (agent d’assurance).

  • 2014 / 2020 : Rosaire COPPOLA. (artisan façadier à la retraite).

  • 2020 /          : Bruno MACHARD (officier de Gendarmerie en retraite)